Si l’importance du crédit dans les affaires des négociants à la période moderne a suscité l’attention des historiens, les études sur l’industrie sont moins répandues. Les sommes en jeu sont pourtant considérables et atteignent, voire dépassent, celles mobilisées par les plus grands négociants, comme l’atteste l’étude des raffineries de sucre. La lecture des bilans et des livres de compte met en évidence la complexité et l’importance du crédit dans ces jeunes manufactures. Les liens de crédit sont complexes dans la filière : en amont, les raffineurs sont les débiteurs des négociants de sucre brut et d’une multitude de fournisseurs ; en aval, ils sont les créditeurs des marchands en gros et des détaillants. Le crédit représente une part conséquente de l’actif des jeunes industries, loin devant les capitaux mobilisés pour les bâtiments ou les ustensiles. Il permet de pallier l’absence de numéraire et de tisser des liens de confiance avec la clientèle. Le paiement différé à long terme est donc devenu la règle dans le commerce de produits coloniaux. Pourtant les industriels sont parvenus à maîtriser leur niveau d’endettement grâce à l’escompte et à limiter les risques en s’informant précisément sur leurs débiteurs. Lors des difficultés financières d’un partenaire commercial, c’est la recherche du compromis qui l’emporte. Finalement, les liens du crédit sont rarement rompus, et les faillites en chaîne causées par un débiteur défaillant restent peu nombreuses.