Contrairement aux alaouites et aux druzes, les Kurdes ne disposent
pas d’une assise territoriale stable et définie. Dans mes précédents
travaux sur la région druze 1, je me suis efforcé de montrer que les
druzes ont peu à peu construit un territoire communautaire dans le
Sud de la Syrie. L’espace d’implantation des druzes – le Djebel – n’est
devenu un territoire qu’après un long processus de construction et
d’appropriation qui a pris plusieurs siècles pour aboutir. Ils l’ont
défendu à de nombreuses reprises contre les Turcs, si bien que ce
territoire, ainsi que les élites druzes qui le contrôlaient, ont pu entrer
dans le XXe siècle avec une cohésion socio-spatiale suffisamment
importante pour prétendre jouer un rôle sur l’échiquier national en
construction. Devenu un temps État du Djebel druze sous le Mandat
français, puis province syrienne, les druzes, forts de leur ancrage
territorial et de leur puissance militaire, se sont intégrés, non sans
heurts, dans la Syrie de l’après-guerre. Malgré leur faible poids
démographique, le régime baathiste a conservé la province druze
dans son maillage administratif, s’appuyant sur les élites druzes pour
contrôler la région et en faire des alliés. Ce subtil processus de contrôle
de l’espace et de la communauté fournit un élément qui permet de
comprendre pourquoi les druzes sont restés en retrait du soulèvement
qui a embrasé une partie des régions arabes sunnites de Syrie.