Cet article analyse les nouvelles approches des notions d’État et de régime chez les acteurs du mouvement de protestation syrien. Il démontre que le point fort de la stratégie de ce mouvement consiste à dissocier le régime de l’État au sens le plus large, à exploiter le caractère fuyant du pouvoir détenu par le régime et à réévaluer les bases de son autorité. Tirant parti des failles entre les techniques d’autoreprésentation du régime et ses manifestations quotidiennes, le mouvement de protestation a réussi à transformer de façon subjective l’image de l’État en recourant à de nouvelles sources de dissimulation publique.
L’exemple d’une Société d’Économie Mixte d’aménagement foncier présente un cas de fraude négligé par la littérature : la fraude s’y est répandue, peu à peu, du sommet vers la base par imitation et addiction, en une collusion tacite. La littérature s’était plutôt intéressée, en effet, aux manoeuvres illicites aux yeux du dirigeant ou interdites par le législateur. Mais elle n’avait pas modélisé le processus par lequel la fraude se constitue, se développe et trouve un terme. En s’appuyant sur le cas de cette SEM, nous proposons un modèle de diffusion de la fraude et nous discutons de sa possible généralisation, tout en analysant la pertinence des mesures traditionnelles de lutte contre la fraude.