AN2014233 ART. L'ATTEINTE VEINEUSE AU COURS DE LA MALADIE DE BEHCET

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Article : L’atteinte veineuse au cours de la maladie de Behçet

W. Ammouri, Z. Tazi Mezalek

Service médecine interne – Hopital Ibn Sina – Rabat - Maroc
Faculté de médecine et de pharmacie – Université Mohamed V – Rabat – Maroc

Résumé

La maladie de Behçet (MB) est une affection systémique dont l’étiopathogénie est en grande partie non connue. Elle est caractérisée par un grand polymorphisme clinique avec une fréquence particulière des manifestations dermatologiques qui représentent trois des quatre critères de classification de la maladie adoptés par l’International Study Group. L’atteinte vasculaire, dite « angio-Behçet » ou « vasculo-Behçet » est particulière par certains aspects car elle est surtout observée chez des hommes jeunes sans facteurs de risque thrombotiques ou cardiovasculaires. Tous les vaisseaux, quel que soient leur type (artériels ou veineux), leur calibre ou leur localisation peuvent être touchés, avec souvent des manifestations vasculaires multifocales.
L’atteinte vasculaire est grave, considérée comme la principale atteinte pouvant engager le pronostic vital; elle justifie ainsi une prise en charge thérapeutique rapide et agressive.
L’atteinte veineuse recouvre 80 à 90 % des atteintes vasculaires, elle est en moyenne retrouvée chez un tiers des patients. Elle est décrite à tous les âges, et survient dans plus de la moitié des cas au cours des cinq premières années de l’évolution de la maladie. Cette atteinte peut précéder ou peut être le mode d’entrée dans la maladie dans prés de 10 % des cas. Elle est ainsi l’occasion de rechercher d’autres manifestations cliniques permettant de la rattacher à la maladie, souvent négligées car considérées comme banales (aphtose bipolaire, pseudofolliculite). Elle peut être accompagnée d’une fièvre et d’un syndrome biologique inflammatoire qui sont plutôt rares au cours de la MB. D’un autre coté, la mise en évidence d’un syndrome inflammatoire et/ou fébrile inexpliqué au cours de la MB doit inciter à rechercher une atteinte vasculaire latente.
Les thromboses veineuses profondes des membres inférieurs sont les plus fréquentes et représentent 60 à 70 % des localisations veineuses de la maladie. Elles sont souvent bilatérales ou à bascule. La découverte de cette atteinte au stade de syndrome post-thrombotique évolué n’est pas rare. Les thromboses veineuses superficielles sont également fréquentes. Elles sont fugaces, migratrices, volontiers récidivantes, et sont classiquement intégrées au sein des atteintes cutanées où elles sont confondues avec un érythème noueux. Elles sont souvent associées à des thromboses profondes, voire même à une atteinte artérielle. Il est classique de les rapporter comme une complication des ponctions veineuses périphériques et sont particulièrement évocatrices lorsqu’elles compliquent les points d’injection d’héparine.
L’atteinte des gros troncs veineux est fréquente, les thromboses caves correspondent à la deuxième localisation de l’atteinte veineuse au cours de la MB et regroupent près d’un quart des cas des manifestations thrombotiques. Un syndrome de Budd-Chiari ou une thrombose porte doivent être rapidement évoqués devant une ascite, une hépatomégalie douloureuse, voire une simple altération du bilan hépatique. Les thromboses veineuses cérébrales sont rapportées dans 5 à 10% des MB et représentent 30% des manifestations neurologiques. Elles ont une sémiologie souvent stéréotypée : céphalées importantes, inhabituelles et baisse de l’AV. La visualisation de ces thromboses est rendue aisée par l’accès de plus en plus facile à l’angio-IRM. Enfin, les thromboses intracardiaques sont extrêmement rares mais sont reconnues comme une complication classique de la MB. Elles, touchent essentiellement le cœur droit et sont fréquemment associées à d’autres thromboses veineuses.
Les thromboses veineuses au cours de la MB ont un caractère emboligène moindre que les thrombophlébites idiopathiques, du fait des phénomènes inflammatoires pariétaux qui rendent le thrombus plus adhérent. Les embolies pulmonaires sont cependant rapportées dans 10 à 15 % des cas et sont souvent associées à des anévrysmes des artères pulmonaires ou à une thrombose intracardiaque droite.
Au plan physiopathologique, l’atteinte thrombotique est majoritairement en rapport avec les lésions tissulaires de vascularite pouvant toucher les vaisseaux de gros, moyens et/ou petits calibres. À coté de cette atteinte inflammatoire, le rôle de facteurs thrombophiliques acquis ou constitutionnels n’est pas vérifié.
Les attitudes thérapeutiques de cette manifestation ne découlent pas d’études randomisées ou comparatives. Il s’agit le plus souvent d’études rétrospectives et observationnelles. Il se dégage cependant clairement que ces cas de thromboses doivent bénéficier d’un traitement visant à réduire l’inflammation pariétale. Une corticothérapie orale (0,5 à 0,7 mg/kg par jour) permet de réduire rapidement les symptômes cliniques. Elle peut être précédée dans les tableaux aigus, inflammatoires et graves, par un bolus de methylprednisolone (1 g/j pendant trois jours). L’adjonction d’azathioprine en cas d’atteinte récidivante des membres inférieurs, voire d’emblée dans des cas de thrombose extensive, de thrombose cave ou de thrombose cérébrale permet de réduire le nombre et le risque de récidive. Dans les tableaux cliniques d’emblée sévères (syndrome de Budd-Chiari, thrombose porte…), le cyclophosphamide mensuel peut être préféré en première intention, relayé après six à 12 mois par l’azathioprine. La durée du traitement immunosuppresseur n’est pas consensuelle, variant généralement entre trois et cinq ans.
Le traitement anticoagulant est toujours proposé d’emblée pour une durée totale non codifiée. Le bénéfice de ce traitement n’est pas démontré, d’autant que le risque d’embolie pulmonaire est minime et que les anomalies de l’hémostase ne sont pas au premier plan dans les thromboses au cours de la MB. Cette prescription peut même s’avérer dangereuse car ces patients ont souvent en plus une atteinte artérielle anévrismale à haut risque hémorragique. Ainsi, les dernières recommandations de l’EULAR dans la prise en charge de la MB ne préconisent pas la prescription systématique des anticoagulants dans ces cas. Cependant, devant la pauvreté des études réalisées dans ce sens, il reste raisonnable de proposer systématiquement un traitement anticoagulant en l’absence de lésion à risque de saignement (anévrismes), d’autant qu’il s’agit souvent de sujets jeunes, n’ayant pas un risque hémorragique majeur.


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