Résumé

Il y a incontestablement un « modèle Gauchet » : nous sommes sortis de la religion et le christianisme est la religion de la sortie de la religion. Il y a plusieurs voies possibles pour contester un tel modèle. Au nom de raisons purement philosophiques (métaphysiques) ou théologiques, au nom de la possibilité de la foi : à vrai dire Marcel Gauchet ne le conteste pas lui-même, pour la simple raison selon laquelle la question de la religion est d’une autre nature que celle de la foi. Ce n’est pas la voie que nous emprunterons. Au nom de raisons empiriques, plus ou moins modélisées dans des constructions théoriques : on peut ainsi montrer que telle ou telle région du monde – voire l’Europe elle-même – n’est jamais sortie de la religion et / ou que la Chine, par exemple, possède une dynamique endogène de sortie de la religion ou bien une dynamique d’appropriation spécifique de cette dynamique exogène. Dans ce dernier cas, il s’agit d’atténuer la thèse de la sortie de la religion et de contester celle du christianisme comme (seul) moteur de cette sortie. Ce n’est pas non plus la voie que nous suivrons. Il nous semble que c’est dans l’évolution même de la pensée de Marcel Gauchet que l’on peut critiquer la thèse de la sortie de la religion. Cette évolution apparaît à nos yeux nettement quand il s’agit de penser le statut de ce que Marcel Gauchet appelle lui-même « le religieux après la religion ». Quant à la thèse du christianisme comme religion de la sortie de la religion, nous ne la contestons pas en elle-même, mais il nous semble qu’elle porte en elle-même un potentiel critique à l’égard de celle de la sortie de la religion. L’exercice périlleux que nous tenterons consiste donc à penser avec Marcel Gauchet contre Marcel Gauchet.