Résumé

À partir des années 1760-1780, les négociants en vins de Champagne entreprennent des voyages de prospection dans l’Est de l’Europe, afin d’y placer leurs vins, déjà connus dans la région, en plus grandes quantités. Dans les années 1790, toutes les maisons importantes disposent d’un ou plusieurs voyageurs, en particulier en Allemagne. La maison Moët d’Epernay participe à ce mouvement avec Charles Küssel, embauché en 1789. Jean-Rémy Moët, jeune dirigeant de la maison, découvre alors la difficulté d’utiliser un voyageur à distance : autonomie trop grande, défense variable de ses intérêts, rivalités personnelles. Après cette première expérience, achevée en 1795, Moët se repose sur une famille allemande, les Geiger, dont quatre membres ont voyagé pour lui de 1796 à 1814, tissant un réseau plus solide dans l’intérieur de l’Allemagne, poussant même, contre sa volonté, en Russie, à Vienne et en Angleterre. Malgré cet appui, la couverture de plusieurs dizaines de villes allemandes a été, jusqu’en 1815, un défi très imparfaitement surmonté. Les difficultés de la tournée allemande, l’irrégularité des commandes sous l’effet des guerres, les recouvrements difficiles de créances sans parler des fatigues du voyage entraînèrent un turn-over très important. À l’inverse, Henri-Jacob et Frédéric Geiger se sédentarisaient à Vienne et Saint- Pétersbourg, s’imposant davantage comme des agents, délaissant le statut de commis voyageur. Moët cédait dans un premier temps, les ventes se soutenant, mais rappelait furieusement ses voyageurs à leurs devoirs, sans succès, rompant finalement avec l’un en 1810, et avec l’autre en 1813. Cependant c’est lui-même qui installait un agent à Londres, Martell, tout en conservant officiellement le statut de voyageur. Le négociant restait, à la sortie d’une période troublée, dans une phase d’indécision quant à la structure commerciale de sa maison à l’exportation, tout en ayant acquis une grande expérience pendant 25 ans dans l’emploi des commis voyageurs.