Résumé
Les ehrlichioses et anaplasmoses définissent un groupe d'infections bactériennes de distribution cosmopolite causées par des bactéries intracellulaires de la famille des Anaplasmataceae pour la plupart transmises par les tiques. Ces germes parasitent les cellules hématopoïétiques, principalement polynucléaires et monocytes, et occasionnent des syndromes fébriles dévolution parfois sévère associés à la présence d'amas bactériens intracellulaires identifiables sur un simple frottis sanguin . Connues depuis 1935 en pathologie vétérinaire, avec l'isolement de Rickettsia canis (renommée depuis Ehrlichia canis) à partir d'un chien algérien infesté par les tiques Rhipicephalus sanguineus (Donatien et Lestoquard, 1935), l'implication de ces bactéries en pathologie humaine est de démonstration beaucoup plus récente. Leur émergence peut en effet être imputée à 3 phénomènes : la curiosité scientifique croissante des médecins ; le bouleversement des biotopes secondaire au développement des activités humaines, responsable d'un rapprochement entre l'homme et les réservoirs animaux ; mais aussi et surtout l'acquisition de nouvelles techniques diagnostiques telles que les outils de biologie moléculaire qui permettent l'identification de bactéries non cultivable jusque-là. Ces dernières ont d'ailleurs entraîné leur reclassification taxonomique en 2001 (Dumler et al.). Actuellement, 5 espèces principales ont une pathogénicité démontrée chez l'homme : (i) Neorickettsia sennetsu, découverte en 1954 au Japon, était impliquée dans la fièvre ganglionnaire (FG), dont le dernier cas a été décrit il y plus de 25 ans ; (ii) Anaplama phagocytophilum (qui regroupe depuis 2001 les anciennement nommés agent HGE, Ehrlichia phagocytophila et E. equi) cause l'anaplasmose granulocytique humaine (AGH) (ancienne ehrlichiose granulocytique humaine) décrite aux USA en 1994 (Chen et al.) puis en Europe en 1997 (Petrovec et al.) ; (iii) Ehrlichia chaffeensis agent de l'ehrlichiose monocytique humaine (EMH) décrite pour la première fois aux USA en 1987 (Maeda et al.) n'a été isolée qu'en 1991 (Dawson et al.) ; (iv) une nouvelle espèce proche d'Ehrlichia canis semble être l'agent responsable de l'ehrlichiose humaine vénézuélienne (EHV) (Perez, 2005) ; enfin, (v) Ehrlichia ewingii occasionne une ehrlichiose granulocytique aux USA (Buller et al., 1999). Deux autres ehrlichiae ont été récemment mises en évidence lors de maladies humaines. L'une, due à « Candidatus Neoehrlichia mikurensis », a été diagnostiquée en Europe (Fehr et al., 2010) et l'autre, attribuée à une ehrlichia proche d'E. muris, dans le Wisconsin (USA) (Pritt et al., 2011). D'autres espèces viendront probablement rallonger cette liste dans les années à venir, dont certaines sont déjà connues pour leur implication vétérinaire, comme Ehrlichia ruminantium (Allsopp et al., 2005) et E. ewingii, connue depuis 1991 comme agent responsable de l'ehrlichiose granulocytique canine (Anderson et al., 1992) et reconnu comme agent pathogène chez l'homme que 8 ans plus tard (Buller et al., 1999). Un second exemple, Anaplasma phagocytophilum, était connu sous le nom de Cytoecetes phagocytophila puis E. phagocytophila comme agent de la « fièvre des patures » chez le bétail depuis les années 1930 (Gordon et al., 1932) et sous le nom E. equi comme celui de l'ehrlichiose équine depuis 1969 (Stannard et al.) avant le regroupement de ces deux espèces avec lagent HGE en 2001 (Dumler et al.).