EH20126639 ENTRE SALARIAT ET INDÉPENDANCE : LE STATUT HYBRIDE DU REPRÉSENTANT DE COMMERCE EN France
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Résumé
Le commis voyageur, représentant et/ou voyageur de commerce, devenu VRP (voyageurreprésentant- placier), longtemps décrié en France, acquiert entre le dernier tiers du XIXe siècle et le milieu du XXe siècle, après d’autres pays européens, mais différemment, un statut plus rigoureusement défini que dans les Codes civils ou de Commerce existants, tout en conservant ses ambiguïtés fonctionnelles et sa polysémie. Le « VRP » s’inscrit dans la dialectique de la professionnalisation et du contrôle national à l’oeuvre dans maints métiers « libéraux » au cours du premier tiers du XXe siècle en France, mais il s’en distingue par l’hybridation de son statut – lié d’un côté au développement du salariat (le commis ou voyageur est un employé) et de l’autre à l’alignement international et à la marge de décision que supposent ses missions (le « représentant », souvent multicartes, est travailleur indépendant et se rapproche de l’agent commercial) : meilleure identification (carte d’identité professionnelle délivrée par l’employeur après la loi de 1921 obligeant les représentants à intégrer le registre du commerce créé en 1919), formation (premières écoles spécifiques fin XIXe siècle), défense corporative (des amicales aux syndicats d’employés ou de représentants « libres »), expression propre (journaux et revues professionnels)… Ainsi, la loi française du 18 juillet 1937 sur le statut légal des VRP, consacrant une évolution de plusieurs décennies, leur confère la protection salariale due à l’employé (ainsi le non assujettissement à la patente, l’intégration au Code du Travail contre les renvois abusifs, le recours aux prud’hommes ou les accidents du travail), alors que sa mise en oeuvre, réglementaire ou judiciaire (jurisprudence), tout comme les modes de rémunération et le contexte européen (Belgique 1922, Suisse 1930, Luxembourg 1934, Italie 1938…), l’infléchissent dans le sens de l’indépendance. En fait comme en droit, cette profession participe d’une régulation accrue des échanges internationaux à la fin du XIXe siècle qui suppose une reconnaissance des « cartes de légitimation » à l’étranger dans un cadre bi- ou multilatéral (convention douanière de Genève 1923), à défaut d’une véritable carte de VRP internationale. L’étude des VRP est un des moyens de définir le salariat par ses marges, grâce aux sources législatives et juridiques nationales, aux archives professionnelles (Chambres de Commerce de Lille et de Marseille) et syndicales.