Introduction

Ces derniers mois, nombre de commentateurs ont cru pouvoir analyser
les soulèvements qui secouaient tout ou partie du Maghreb – à des degrés
divers – avec des grilles de lecture qui prolongeaient parfois celles qu’ils
utilisaient les semaines précédentes, mais qui, souvent, les renversaient
radicalement (c’est le lot de tous les commentateurs) : ainsi de l’aspiration à la
démocratie et aux libertés publiques, du rejet du népotisme, de la corruption
d’une société et de l’appropriation indue de biens publics, du poids de la
jeunesse ou du chômage des jeunes. Tout cela avait déjà pu être évoqué, mais
rarement sur un mode qui aurait laissé penser qu’un véritable chaudron
allait embraser une région entière, voire même au-delà. Les problèmes en
cause avaient pourtant été analysés, repris dans bon nombre d’études et
diffusés dans les revues spécialisées, bien avant le soulèvement qu’allait
connaître la Tunisie (puisque tout est parti de ce pays), puis l’ensemble du
Maghreb et même une partie du Proche-Orient. Mais une révolution n’est
pas toujours prévisible. Comment prévoir qu’un événement, jugé et traité
d’habitude comme un simple fait divers, puisse, sans crier gare, déclencher
un ensemble de réactions et de contre-réactions, provoquant un jour sans
que l’on sache ni pourquoi ni comment une véritable révolution ?