Sociologues, responsables politiques
Resumé
Imaginons deux enfants nés le même jour en Afrique du Sud en 2000. Nthabiseng est noire, Pieter est blanc. Le jour de leur naissance, Nthabisen et Pieter n’étaient pour rien dans la situation de leur famille, qu’il s’agisse de la race, du revenu et du niveau d’instruction de leurs parents ou de leur lieu de résidence en milieu rural ou urbain, et de ce fait, ils n’avaient rien fait non plus pour naître fille ou garçon. L’espérance de vie de Pieter est de 68 ans, contre 50 pour Nthabiseng. Pieter peut espérer faire 12 années d’études, mais Nthabiseng, moins d’une année. Il est à penser que Nthabiseng sera bien plus pauvre que Pieter pendant toute sa vie.
Maroc : la couverture médicale de base
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Deux décennies de réformes.
En 2002 le Maroc adoptait une loi visant à instaurer une couverture médicale de base (CMB) pour l’ensemble de la population. Pour ce pays où l’assurance santé ne concernait qu’environ 16,5 % de la population, ce fut un progrès social énorme. Progrès d’autant plus important qu’il visait aussi à remettre sérieusement de l’ordre dans la prise en charge des personnes les plus démunies. Pour faire fonctionner le tout, les institutions existantes furent alors réformées et de nouvelles furent mises en place. De son côté le Ministère de la Santé entreprit la mise à niveau des hôpitaux publics.
Toutefois, l’élan initial allait s’essouffler et des retards apparaître : le régime d’assistance médicale aux personnes démunies (RAMED) restait concentré dans des zones pilotes, le régime des « Indépendants » tardait à être mis en place, les mutuelles d’entreprises rechignaient à rejoindre le régime général. La réforme stagnait. Le Roi Mohammed VI qui avait voulu cette loi se vit contraint d’intervenir. La mise en place de la CMB reprit.
Quinze ans après l’adoption de la loi N° 65-00 instituant la CMB, la réforme est un succès qui sert maintenant de modèle pour de nombreux autres pays. Fin 2016, c’était environ 60 % de la population qui bénéficiaient d’une prise en charge institutionnelle.
Pourtant des nuages semblent se profiler à l’horizon. Les responsables marocains en sont d’ailleurs conscients. Ils reconnaissent que des efforts importants sont encore à faire pour adapter l’offre publique de soins aux attentes de la population, pour que la gestion administrative des hôpitaux publics soit modernisée, pour que l’accueil du patient soit amélioré, pour que l’équilibre financier des régimes d’assurance santé soit pérennisé. Ces responsables savent aussi que les mutations socio-économiques et démographiques, les changements politiques et la mise en place de la régionalisation vont changer profondément les bases sur lesquelles la couverture médicale de base a été organisée.
C’est l’histoire de ce formidable challenge technique et financier, parfois des échecs, souvent des retards, que ce livre retrace.
Pierre AUFFRET est diplômé de l’Institut d’Études Politiques de Paris – Section Économique et Financière et spécialiste en assurance santé, financement de la santé et protection sociale. Il a été Consultant France et international (1988-1990 et depuis 1992), Directeur Général (1990 à 1992) de la Mutuelle Nationale MCD (France) et Conseiller technique auprès du Ministre de l’Économie et des Finances de Côte d’Ivoire (1978 à 1983). Il a suivi depuis 2002 au Maroc, la mise en place de la Couverture médicale de base (assurance santé) dans le cadre de plusieurs projets financés par la Commission européenne et par l’Agence française de développement. Depuis cette date, il a effectué plus d’une vingtaine de missions de suivi ou d’assistance technique. Missions qui l’ont amené à rencontrer tous les responsables Marocains impliqués dans la mise en place de la couverture médicale de base et à participer à de très nombreuses réunions de travail avec ces autorités.